Le Maroc d’en haut… le Maroc d’en bas : Bravo Anouar pour tes 19,28/20

Abdelhak RIKI : Cadre de Banque

La nouvelle a fait le tour des internautes, Facebook et Twitter, des journaux en arabe et en français. Des éloges de partout, certains demandant au bon Dieu de préserver Anouar du mauvais œil ou du mauvais sort. Les reportages télé sur le milieu d’Anouar, son patelin, ses parents, sa maison et sa barbe ont fait le reste

Anouar abbadi

Un baume dans nos cœurs en cette période où c’est la crise économique qui prédomine, les crimes sanglants, les scandales des politiques et des hauts responsables de grandes entreprises d’État.

Oui, cher Anouar, tes résultats au Bac marocain, première session 2012, sont une bouffée d’oxygène, un espoir pour la jeunesse marocaine dans cette grisaille de chômage et de dénigrement de l’école publique. Oui, cher Anouar, de temps à autre, des informations et des événements comme ton succès sont des catalyseurs plus forts que mille discours, que mille analyses et mil théories.

Permets-moi, Anouar, de t’appeler mon fils. En réalité, tu es le fils de tous les Marocains. Tu es la fierté nationale. Je salue ta prouesse sachant ce qu’exige un tel résultat comme effort, persévérance, courage et volonté. Je te salue et honore ton succès qui est notre succès, nous tous, les habitants de cette terre bénie qu’est le Maroc.

Je suis aussi fière de toi, Anouar, car ta belle moyenne de 19,28/20 – section sciences physiques – a été acquise dans des conditions de vie précaires. Ton petit patelin, Sidi Ismail (province El Jadida), ta modeste famille et ta maison si ordinaire, rendent ton résultat encore plus beau, encore plus mérité.

J’aurais été content si un enfant, des riches et bourgeois de beaux quartiers de Souissi à Rabat où Californie à Casablanca, avait pu obtenir un résultat pareil. Vous êtes tous nos enfants, les enfants de ce Maroc qu’on aime tant. Mais j’aurais aussi pensé, que pour les enfants des riches les conditions sont tellement favorables, bonnes écoles privées, bons professeurs, heures supplémentaires, livres et manuels disponibles, conditions matérielles et sociales idéales et avenir assuré.

Mon cher fils Anouar, tu nous as agréablement surpris. Toi qui as cru, dans ton intimité et ta solitude, en tes capacités et en ta force, pour te hisser au plus haut niveau des podiums. Tel un coureur solitaire dans son bled préparant les jeux olympiques, confiant en lui-même et en ses capacités. Tes 20 sur 20 en Mathématiques depuis ta première année du Lycée est un record qui mérite bien une médaille d’or olympique. Tu me rappelles, toutes choses égales par ailleurs, au petit Mehdi du succès littéraire de Fouad Laroui « Une année chez les Français ».

Tu as honoré l’école publique qu’on croyait morte à jamais. Tu as honoré la classe des pauvres et des modestes familles qu’on croyait stériles de génies. Tu as honoré la campagne et les petites villes qu’on croyait écrasées par les grandes métropoles où « tout existe ».

Certains diront que tant d’éloges ne peuvent masquer la misère, la discrimination et les handicaps des fils des pauvres, de petits patelins et de l’école publique. Certes ils ont mille fois raison.

La différence c’est que personnellement je m’accroche à chaque tout petit espoir venant des fins fonds de notre pays, des pauvres, des villes désavantagées, des écoles publiques écrasées par l’austérité budgétaire.

Oui, de petits signes de cette quête de vie, de ce combat des plus défavorisées pour se hisser vers l’avant, pour s’en sortir de leurs milieux, de leurs misères. Bref, une leçon d’humilité et d’espoir pour nous tous, que tout est possible, est qu’il suffit de croire et de s’accrocher.

Anouar, tu as donné une belle leçon du Maroc d’en bas au Maroc d’en haut. Je souhaite que le Maroc d’en haut fasse un geste envers toi et tous tes semblables, car je sais que vous êtes nombreux, les fils des pauvres dans les petites et grandes villes, des familles modestes, les enfants de l’école publique ayant décroché des moyennes formidables dans les différentes branches du Bac.

J’ose espérer que dans un geste de solidarité, d’humilité et de respect, les gens d’en haut vous prennent en charge et vous ouvrent les portes de la connaissance universitaire dans les plus grandes écoles et universités tant au Maroc qu’à l’étranger.

Et ce pour vous ouvrir les portes des HEC, Polytechniques, Ponts et Chaussés à Paris… où mieux encore les 20 premières et prestigieuses universités à l’image, entre autres, des Harvard, Cambridge, Stanford, MIT… Oui, rien que ça. Et le refaire chaque année. Comme ils le font avec leurs enfants. Ce ne serait que pure justice. Jeter des ponts entre les enfants d’en haut et ceux d’en bas. Refaire ce que l’ère Meiji a fait au Japon un siècle auparavant.

Non seulement cela, mais aussi, vous ouvrir après vos belles années d’études et de formation les portes du succès dans les grandes entreprises, les grands ministères et administrations. Aujourd’hui ce qui prédomine c’est le piston des riches pour les riches ni rien ni plus. En général les postes clés sont pour les dominants, je dis en général, car il y a toujours des exceptions.

Tu vois, mon fils Anouar, ta note fruit de ta détermination, ne m’a pas laissé insensible, ni d’ailleurs des millions de Marocaines et de Marocains. Les commentaires à ton sujet sont légion et tous sont des félicitations, des encouragements, des craintes pour ton avenir.

Alors, j’ai décidé de m’y mettre. Content de ton exploit, mais aussi de mon propre enfant, qui est né comme toi, en l’an 1994 du siècle dernier et qui a aussi réussi brillamment son bac cette année en série sciences et technologies, option mathématiques.

Pour ne pas te mentir, je te dis Anouar, que nous sommes une famille modeste, mais les conditions de mon propre enfant, sont meilleures que les tiennes, il a eu la chance de naître à Rabat, d’étudier dans une mission étrangère et de postuler, si le crédit bancaire le permet, pour une université à l’étranger.

En réalité je suis content de tous les Marocains qui ont travaillé durement pour réussir et aller de l’avant et je suis triste pour tous ceux qui ont échoué auxquels je demande de ne pas se décourager et de s’accrocher au bonheur de la réussite. Tout est possible dans la vie.

Permets-moi enfin, Anouar, de te dire que l’image de ta photo restera gravée dans la mémoire des Marocaines et des Marocains, avec ta belle barbe (à ton âge), ton dévouement pour ta religion l’Islam, ton respect pour ta mère, femme au foyer (ah nos courageuses mères marocaines) et ton père (chauffeur), ta famille nombreuse formée de cinq frères, la gratitude envers tes professeurs et ton Lycée. Tes paroles prononcées à la télé. Des paroles toutes simples mais pleines de sens.

Tu es cher enfant, Anouar ; fils des ABBADI, du petit patelin de Sidi Ismail, d’El Jadida, des Abbda Doukalla, du Maroc profond, du Maroc tout court ; le concentré et l’expression de la volonté de cette merveilleuse jeunesse marocaine en ce début du vingt et unième siècle qui aspire à servir son pays et à lui donner le meilleur d’elle-même dans un monde qui est devenu un petit village grâce à la mondialisation et pour les jeunes du monde entier, aux réseaux sociaux, à Facebook, Twitter et aux nouvelles technologies de l’information.

Permets-moi, enfin, cher Anouar, à travers cette lettre de te rendre au nom de tous ceux qui ont eu les larmes aux yeux en regardant la télé ou à travers les sites internet ou en lisant les journaux de te rendre un hommage et de te dire merci pour ta leçon, une leçon d’humilité, de courage et de détermination.

Bonne chance pour toi et pour tous les jeunes de ta génération. Je te donne rendez-vous dans 5 – 10 ans espérant te retrouver, toi et tes semblables, bien formés et bien intégrés dans la société marocaine qui attend beaucoup de ses vaillants fils pour la hisser aux premiers rangs de grandes nations de ce monde.

1er juillet 2012

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